• Le roman policier britannique

    Marqué à ses débuts par la detective fiction chère à l'école anglaise classique, le genre a évolué. La succession d'Agatha Christie, de Patricia Wenthworth et de Dorothy Sayers a été assurée par Phyllis Dorothy James (Péché originel, 1994). Son héros, Adam Dalgliesh, est un classique inspecteur de Scotland Yard, de surcroît poète. Sa modernité tient à la densité des personnages et au réalisme avec lequel elle met en scène la vie et ses passions destructrices. Ruth Rendell obéit elle aussi à des procèdures policières classiques (sa série consacrée à l'inspecteur Reginald Wexford), mais elle reste imbattable dans le suspense psychologique (L'Analphabète, 1977), à l'instar d'une Patricia Highsmith aux États-Unis. Ces deux championnes du best-seller ne sont pas seules à explorer les atmosphères vénéneuses de la campagne ou de la ville. L'école britannique est riche de Margaret Yorke, Frances Fyfield, Liza Cody, Sarah Dunant, June Thompson... Val McDermid (Arrêts de jeu) se démarque de ses consœurs avec son héroïne Kate Brannigan, détective privée à Manchester, et vire franchement au roman noir avec La Dernière Tentation (2002) et Quatre Garçons dans la nuit (2003), tout comme Lynda la Plante (Coup de froid, Martina Cole (Une femme dangereuse) et Minette Walters, qui utilise les ingrédients du roman d'énigme pour mieux le pervertir, en étudiant les relations des familles dépositaires de terribles secrets.

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    Dans Intime pulsion (2001), elle analyse avec finesse le déclenchement d'une émeute dans un quartier déshérité où une coupable indiscrétion a révélé l'adresse d'un pédophile récemment libéré de prison. Parmi les révélations féminines, Mo Hayder se fait remarquer dès son premier roman, Birdman (1999), dans lequel l'inspecteur Jack Caffery est confronté à un tueur en série qui enferme un oiseau vivant dans la cage thoracique de ses victimes.

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    Son troisième opus, Tokyo (2004), tourne autour des massacres commis en 1937 par les Japonais dans la ville chinoise de Nankin.

    Les romanciers britanniques sont plusieurs à avoir créé des séries de roman de procédure policière (police procedural) : Colin Dexter (l'inspecteur Morse), Reginald Hill (le superintendant Dalziel) et l'un des plus passionnants, John Harvey (l'inspecteur Resnick), qui a choisi comme cadre Nottingham, une ville en plein désarroi car elle serait le reflet de la situation de crise et de violence qui sévit dans le pays. Michael Dibdin (1947-2007) préfère des intrigues subtiles que résout en Italie son policier favori Aurelio Zen.

    En Écosse, Ian Rankin fait évoluer son inspecteur Rebus dans la ville d'Edimbourg, tandis que Jack Laidlaw, créé par William McIlvaney, arpente les rues de Glasgow. Parmi les romanciers écossais, le jeune Philip Kerr fait ses gammes avec une trilogie berlinoise qui se déroule de l'avènement du nazisme à l'après-guerre. Suit une enquête menée à Saint-Pétersbourg sur un trafic d'éléments radioactifs (Chambres froides, 1994) et trois récits de science-fiction policière : Une enquête philosophique (1993), où officie un tueur de tueurs en série ; La Tour d'Abraham (1995), où un ordinateur géant, destiné à régir la vie des gens en permanence, se dédouble et agresse les humains ; Le Sang des hommes (1998) imagine qu'en 2060 on peut déposer son sang à la banque s'il n'est pas contaminé.

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    Il remplace l'étalon-or. Avec Les Chiffres de l'alchimiste (2002), Kerr revient au roman historique et met en scène Isaac Newton. L'école écossaise compte aussi Christopher Brookmyre qui débute avec Un matin de chien (1996), un roman noir dans lequel le journaliste Jack Parlabane se livre à une implacable autopsie de la réforme du système de santé imposée par le parti conservateur. Les politiciens sont aussi la cible de Iain Banks dans Un homme de glace (1993), tandis que John McLaren, dans Taxis noirs (1999), met en scène yuppies et dirigeants arrogants et machistes qui, pour accroître leur pouvoir et leurs revenus financiers, ne respectent aucune règle morale.

    En Irlande, Colin Bateman (Divorce, Jack !) confronte le journaliste Starkey à des membres de l'I.R.A. qui ont sombré dans le banditisme. On retrouve par la suite Starkey dans les milieux de la boxe new-yorkaise (L'Autruche de Manhattan). Daniel Easterman a choisi le thriller pour dénoncer les divers terrorismes qui ensanglantent le Moyen-Orient (Le Jugement final) et menacent la paix du monde (Le Septième Sanctuaire). Actrice (à ses débuts, elle incarna Vicky, l'héroïne de la série « Doctor Who », 1964-1965), dramaturge, Maureen O'Brien crée une série avec l'inspecteur John Bright, petit homme chafouin qui, lors de sa première apparition (Les fleurs sont faciles à tuer, 1987), enquête sur l'assassinat d'une star de la télévision. Déjà remarqué pour son roman Le Trépasseur, Eoin McNamee raconte les coulisses de l'accident qui, le 31 août 1997, coûta la vie à la princesse Diana (00 :23, pont de l'Alma, 2007). Toutefois, la révélation irlandaise reste Ken Bruen, dont le passé et les épreuves qu'il a subies pourraient faire l'objet d'un douloureux roman. Son œuvre forte d'une quinzaine d'ouvrages comprend deux séries : la première est consacrée à « R&B » (Roberts et Brant), tous deux policiers dans un quartier difficile de Londres ; la seconde se déroule en majeure partie à Galway, ville natale de l'auteur, et met en scène Jack Taylor, un ancien flic devenu privé, personnage complexe, habité par un fort sentiment d'autodestruction. Dernier à se manifester, le journaliste Gene Kerrigan, dans À la petite semaine (2005), donne une image inattendue de l'Irlande d'aujourd'hui.

    Moins doté que l'Écosse, le pays de Galles compte cependant deux romanciers talentueux. Le plus ancien, Bill James signe une série consacrée à un groupe de policiers tiraillés entre leur vie privée et les exigences de leur métier. Avec le recueil Cinq Pubs, deux bars et une boîte de nuit (1997), John Williams entame une trilogie noire consacrée à Cardiff, sa ville natale.

    En Angleterre aussi, le roman noir fait sa percée. Avec Ted Lewis (1940-1982) d'abord, un habitué de Soho et des bas-fonds dont les romans fournissent un panorama réaliste de la pègre londonienne des années 1960 (Jack Carter, 1990). Robin Cook (1931-1994), qui a mené une vie d'aventurier avant de se fixer dans un village de l'Aveyron, prend le relais. Sa série, avec son enquêteur anonyme, d'une noirceur peu commune, est une réussite exemplaire dans l'exploration de la conscience des psychopathes (J'étais Dora Suarez, 1990).

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    Son premier opus, Crème anglaise (1962), mettait en scène des « mimiles » de la haute société fraternisant avec la pègre de la capitale. Cette description du milieu londonien est vivace chez Anthony Frewin (London Blues, 1997), l'ancien assistant de Stanley Kubrick et plus encore dans la remarquable trilogie de Jake Arnott publiée de 1999 à 2003. Depuis la disparition de Lewis et de Cook, d'autres talents se sont manifestés : Nicholas Blincoe (Acid Queen), Simon Kernick (Mort mode d'emploi), Mark Billingham (Dernier Battement de cil), Denise Mina (Le Champ du sang), Jonathan Triggell (Jeux d'enfants), Charlie Williams (Les Allongés), Colin Cotterill (Le Déjeuner du coroner). Là encore, révélation de deux auteurs majeurs : le premier, Graham Hurley (Les Anges brisés de Somerstown, 2002), créateur de l'inspecteur Joe Faraday de la police de Portsmouth dont les enquêtes captivantes sont pleines d'humanité. Le second, David Peace, qui vit et enseigne au Japon. Il est l'auteur de la tétralogie « Red Riding Quartet », un grand cycle consacré à son Yorshire natal dont les quatre volumes ont pour titres : 1974, 1977, 1980, 1983. En nourrissant son récit de faits-divers réels, le romancier dresse un portrait décapant de l'Angleterre sur une décennie, avec une référence à la série de crimes commis par l'éventreur du Yorkshire, affaire qui bouleversa son enfance.

    Source : Logiciel Encyclopédia Universalis 2012


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