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    Ceci doit-il tuer cela ? L'écran de l'ordinateur supplanter l'écrit ? Cette page immatérielle où l'on peut faire réapparaître à sa guise un texte ancien pour l'intégrer à un autre, tout à fait neuf, cette rédaction sur un clavier, et non plus au courant de la plume, et ce clavier lui-même qui, selon qu'on l'y invite, écrit, transforme ou crée de l'inédit, toutes ces « merveilles » nées de l'informatique ne doivent-elles pas rendre caduques les pratiques artisanales et millénaires du papier, de l'encre, voire de l'imprimé ?

    Deux mondes semblent s'opposer, à l'heure actuelle, à l'intérieur de l'univers de la communication graphique-visuelle. Mais ne s'agit-il pas, en fait, d'une opposition illusoire ? N'est-ce pas, au contraire de ce que l'on suppose, un retour au passé extrême de l'écrit, à ses sources idéographiques, que nous offre l'ordinateur ? Plus que l'écrit, à la vérité, c'est l'alphabet et ses contraintes, auxquelles nous nous sommes habitués comme si elles étaient inévitables, que l'ordinateur met en question et cela, au profit de l'écriture même.

    Source : Logiciel Encyclopédia Universalis 2012


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    • Les pays nordiques

    Depuis la fin des années 1960, le roman policier à contenu social s'est développé dans de nombreux pays. En Suède, dès 1965, le couple formé par Maj Sjöwall et Per Wahlöö se livrait à une violente critique du « paradis suédois » avec une série de dix enquêtes menées par l'inspecteur Martin Beck et ses hommes. Ce changement radical au cœur d'une littérature policière jusque-là assez classique a généré, non seulement en Suède mais dans pratiquement tous les pays nordiques, plusieurs générations d'écrivains qui s'expriment de façon critique sur la société. Dans un registre proche du couple Sjöwall-Wahlöö qui l'a inspiré, on trouve Mankell (Meurtriers sans visage) dont la série qui a pour héros l'inspecteur Kurt Wallander obtient un grand succès en France, ce qui incite les éditeurs à accorder une place importante aux auteurs suédois. Parmi ceux qui sont traduits, Kjell-Olof Bornemark (1924-2006) débute avec un récit d'espionnage atypique (La Roulette suédoise, 1982), puis il met en scène un laissé-pour-compte que son exclusion de la société va conduire à un geste fatal (Coupable sans faute, 1989). Staffan Westerlund entame avec L'Institut de recherches (1983) une série consacrée à Inga-Lisa, une avocate spécialisée dans la défense de l'environnement. Le criminologue G. W. Persson, conseiller auprès du ministre de la Justice, donne une trilogie sur « le crime et le châtiment en Suède » (1978-1982) avec comme protagoniste le policier Lars Martin Johansson, qui n'hésite pas à dévoiler les manipulations politico-financières et les corruptions de fonctionnaires. On retrouve Johansson vingt ans plus tard dans La Nuit du 28 février (2002) qui évoque l'assassinat jamais élucidé du Premier ministre Olof Palme en 1986. Ni ce dernier ni aucun des autres acteurs de ce drame n'est nommé. Mais, usant du roman à clé, l'auteur démontre comment l'incurie combinée du gouvernement, de la police et des services secrets a rendu possible ce meurtre et impossible sa résolution. Parmi les récents romanciers suédois, citons Ake Edwardson, créateur d'une série avec le commissaire Erik Winter de Göteborg, Liza Marklund qui, après avoir été grand reporter à la télévision, met en scène la journaliste Annika Bengtzon qui mène des enquêtes dangereuses (Studio Sex), tandis que sa consœur Karin Alvtegen (petite nièce d'Astrid Lindgren, la créatrice de Fifi Brindacier) s'est fait connaître avec un thriller psychologique fort réussi (Recherchée).

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    La juriste Asa Larsson donne un beau portrait d'une avocate, Rebecka Martinsson, confrontée à une secte messianique lorsqu'elle retourne dans le village lapon de son enfance (Horreur boréale). Issue du courant appartenant au roman prolétarien, Aino Trosell s'est orientée à partir de 1999 vers le roman policier tout en continuant à jeter un regard critique sur la société suédoise, comme le démontre Si le cœur bat encore (1998). Il s'agit du premier volet d'une trilogie, dont la protagoniste, Siv Bahlin, est aide-soignante dans une maison de retraite. Mais la trilogie qui a fait le plus parler d'elle a pour titre Millenium et pour auteur Stieg Larsson (1954-2004), mort prématurément peu après avoir achevé son manuscrit. Ces trois récits ont pour personnages centraux le journaliste Mikael Blomkvist et la sauvage Lisbeth Salander, placée sous tutelle, confrontés à de dangereux personnages. Une saga haletante et un succès public indéniable.

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    Aux Pays-Bas, Janwillem Van de Wetering recrée l'atmosphère d'un commissariat d'Amsterdam proche de celui d'Ed McBain, au moins à ses débuts. Car ces policiers bataves, adeptes de la pensée orientale, sont les plus zen du genre.

    En Finlande, une passionnante série de Matti Yrjänä Joensuu nous plonge au cœur de la délinquance. L'action se déroule à Helsinki, avec l'inspecteur Timo Harjunpää (Harjunpää et le fils du policier). De son côté, Leena Lehtolainen publie les enquêtes de Maria Kallio (Mon Premier Meurtre), une femme policier très populaire chez les lecteurs finlandais.

    Chez les Danois, Leif Davidsen (La Femme de Bratislava) s'est rendu célèbre par ses plongées dans l'histoire qu'il ausculte à la manière d'un Didier Daeninckx. On doit lire également Flemming Jarlskov (Coupe au carré), Peter Hoeg (Smilla et l'amour de la neige) et Dan Turell, dont le détective privé lorgne du côté de Hammett (Mortel Lundi), alors que celui du Norvégien Gunnar Staalesen (Le Loup dans la bergerie) fait plutôt penser au Philip Marlowe de Chandler. En parallèle à cette passionnante série, Staalesen a écrit la saga de sa ville natale (Le Roman de Bergen, six volumes), tandis que Jo Nesbo est en tête des ventes avec L'Étoile du diable, ce signe qu'un tueur en série laisse auprès de ses victimes (il leur coupe un doigt). Parmi les autres auteurs norvégiens, citons Ann Holt (La Déesse aveugle), Karin Fossum (Celui qui a peur du loup), Morten Harry Olsen (Tiré au sort), Fredrik Skagen (Black-Out), Kim Smage (Sub Rosa) et Pernille Rygg (L'Effet papillon).

    La surprise vient d'Islande. Ce pays de 350 000 habitants compte déjà quatre auteurs traduits à l'étranger : Olafur Haukur Simonarson (Le Cadavre dans la voiture rouge), Arni Thorarinsson (Le Temps de la sorcière), Olafur Johan Olafsson (Absolution) et le plus populaire à ce jour, Arnadur Indridason. Les enquêtes de son commissaire Erlandur dans La Cité des jarres, puis dans La Femme en vert et enfin dans La Voix lui ont valu un succès international.

    • Allemagne et Autriche

    L'école allemande est florissante avec Horst Bozetsky, Hansjorg Martin, Jürgen Alberts, Frank Goyke, Pieke Bierman, Jacob Arjouni ou Bernhard Schlink. Affaires criminelles, racisme, déviances, scandales : leurs romans passent au crible l'histoire de l'Allemagne réunifiée. Citons encore Ingrid Noll et ses sombres intrigues familiales (Confession d'une pharmacienne) et Christian V. Ditfurth dont le protagoniste, un historien de Hambourg, le Pr Stachekmann, est confronté à la Stasi, quatorze ans après la chute du Mur de Berlin et la disparition de la R.D.A. (Frappé d'aveuglement). Un thème qu'on retrouve dans Welcome OSSI de Wolfgang Brenner. En Autriche, le plus brillant romancier est sans conteste Wolf Haas, créateur du détective privé Simon Brenner, bourru, totalement dépourvu de méthode et de flair. Ses enquêtes sont jubilatoires, en particulier Silentium, où il est confronté à des pratiques pédophiles dans un établissement scolaire dirigé par des religieux

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    • Italie

    Après les années noires où la littérature policière avait été interdite par Mussolini, Giorgio Scerbanenco (1911-1969) fait figure de pionnier. Considéré comme le père du roman noir italien, il met en scène Duca Lamberti, radié du conseil de l'ordre des médecins pour euthanasie, et n'a pas son pareil pour décrire le banditisme organisé et les affaires louches à Milan (Vénus privée, 1966).

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    À la même époque, on peut également citer le duo formé par Carlo Fruttero et Franco Lucentini (La Femme du dimanche, 1972), et Leonardo Sciascia, grand pourfendeur de la Mafia dont le roman Le Contexte (1971) a inspiré le film Cadavres exquis (1975) de Francesco Rosi. Un des vieux amis de Sciascia, tard venu à l'écriture, Andrea Camilleri, a su séduire le public européen avec son commissaire Montalbano qui évolue en Sicile, région natale de son créateur. Aujourd'hui, l'Italie compte des dizaines d'auteurs. Parmi les plus talentueux, citons Pino Cacucci (San Isidro football club), Carlo Lucarelli (Guernica), Augusto De Angelis (L'Hôtel des trois roses), Laura Grimaldi (Le Soupçon), Santo Piazzese (Le Souffle de l'avalanche), Andrea Pinketts (Le Sens de la formule), Franco Mimmi (Notre Agent en Judée), Margherita Oggero (La Collègue tatouée), Renato Olivieri (L'Affaire Kodra), Marcello Fois (Plutôt mourir), Sandrone Dazieri (Le Blues de Sandrone), Giorgio Todde (L'État des âmes), Piergiorgio di Cara (Île noire), Bruno Arpaia (Dernière Frontière), Nicoletta Vallorani (La Fiancée de Zorro), Nino Filasto (La Fiancée égyptienne), Giancarlo Carofiglio (Témoin involontaire)... Trois chefs-d'œuvre : Macaroni (1997) de Loriano Macchiavelli et Francesco Guccini, évoque l'immigration italienne en France et imbrique de façon parfaite énigme, suspense et constat social. L'Immense Obscurité de la mort (2004) de Massimo Carlotto, où un prisonnier qui a tué lors d'un braquage une femme et son fils, formule quinze ans plus tard un recours en grâce. Il sollicite le pardon du mari et père des victimes : en résulte un tragique face à face, à l'épilogue déroutant. Romanzo criminale (2002), de Giancarlo de Cataldo, juge à la cour d'assises de Rome, est la chronique magistrale du monde du crime à Rome de 1978 à 1992. Enfin signalons deux auteurs singuliers : Gilda Piersanti auteur de plusieurs polars romains (Vert palatino) habite Paris depuis trente ans ; Cesare Battisti, ancien membre d'un groupe armé exilé en France, en fuite pour échapper à l'extradition depuis 2004, arrêté et emprisonné au Brésil en 2007, a signé une dizaine de romans noirs dans lesquels il dénonce la lutte armée qui se retourne toujours contre ses auteurs.

    • Espagne et Andorre

    Peu avant la fin de la dictature franquiste, Jaume Fuster (1945-1998) publie Petit à petit l'oiseau fait son nid (1972), un roman noir qui illustre la liaison entre la bourgeoisie barcelonaise et la pègre des bas-fonds. Manuel Vazquez Montalbán (1939-2003), « le Chandler catalan », prend le relais pour relancer le genre avec Pepe Carvalho, son détective épicurien. Francisco Gonzales Ledesma, après avoir publié plus de 500 pulps sous le pseudonyme de Silver Kane, passe au roman. Certains s'apparentent à une chronique des années de la dictature (Los Napoleones), d'autres appartiennent à la série consacrée à Ricardo Méndez, un commissaire de Barcelone, nostalgique et plein de compassion pour les faibles (La Dame de Cachemire). Si Juan Madrid (Cadeau de la maison) et Andreu Martin (Prothèse) s'impliquent à leurs débuts dans des récits âpres et violents, Arturo Pérez-Reverte préfère choisir une voie plus intellectuelle et ludique (Le Tableau du maître flamand).

    Barcelone abrite de nombreux écrivains. Outre Fuster, Vazquez Montalbán, Gonzales Ledesma et Andreu Martín, dont les exploits du jeune détective Flanagan sont traduits dans toute l'Europe, on peut citer l'Argentin Raúl Argemí (Les morts perdent toujours leurs chaussures) qui traite de sujets politiques avec une folie baroque et un humour grinçant ; Eduardo Mendoza, ancien interprète à l'O.N.U., et son univers souvent burlesque (Le Labyrinthe aux olives) ; les féministes Alicia Gimenez Bartlett avec son désopilant tandem de policiers Petra Delicado et Fermín Garzon (Le Jour des chiens) et Maria Antonia Oliver (Antipodes), créatrice d'Apolonia Guiu, détective privée barcelonaise ; Xavier Moret qui met en scène un écrivain raté (Qui tient l'oseille tient le manche).

    Signalons également l'œuvre importante de Mariano Sanchez Soler (Oasis pour l'O.A.S.), auteur de plusieurs romans noirs qui ont pour protagonistes les inspecteurs Pulido et Galeote, ainsi que d'essais divers sur le fascisme, la corruption et la famille Franco.

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    Il a aussi fait connaître sa ville natale d'Alicante en y organisant plusieurs manifestations littéraires autour du roman noir.

    Le Pays basque compte au moins deux auteurs de qualité : Juan Bas (Scorpions pressés) et José Javier Abasolo (Nul n'est innocent). La violence qui parfois s'exprime dans cette province a inspiré à Juan Antonio de Blas, L'Arbre de Guernica, dans lequel son humour acide et son goût pour la dérision n'épargnent personne. Citons encore Juan Marse (Boulevard du Guinardo), Lorenzo Silva (La Femme suspendue), Suso de Toro (Land Rover) et concluons par l'académicien Antonio Muñoz Molina qui n'a pas hésité à écrire Pleine Lune, un roman de genre parfaitement réussi.

    Même la principauté d'Andorre est touchée par l'épidémie du « noir », avec Albert Salvado (Le Rapt, le mort et le marseillais) et Albert Villaro (Chasse à l'ombre).

    • Encore l'Europe

    Le développement de la littérature policière est un mouvement inéluctable qui touche chaque pays car son lectorat est de plus en plus vaste. Mais les ouvrages disponibles en France ne reflètent qu'imparfaitement cette évolution, dans la mesure où la majeure partie des traductions provient de pays anglo-saxons. Signalons toutefois que le roman policier et/ou noir a atteint l'Albanie avec Virion Graçi (Le Paradis des fous), Fatos Kongoli (Tirana Blues) et le vétéran Ismaël Kadaré, auteur de Qui a ramené Doruntine ? et Le Dossier H. On trouve également des œuvres intéressantes en Bulgarie avec Emilia Dvorianova (Passion, ou la Mort d'Alissa), en Grèce avec Sèrgios Gàkas (La Piste de Salonique) et Petros Markaris (Le Che s'est suicidé), au Portugal avec José Cardoso Pires (Ballade de la plage aux chiens) et l'excellent Francisco José Viegas (Un ciel trop bleu). La Russie se signale avec la prolifique Alexandra Marinina (Ne gênez pas le bourreau), Paulina Dachkova (Les Pas légers de la folie), Julian Semionov (Petrovka 38), Arkadi et Gueorgui Vaïner (L'Évangile du bourreau), et la Turquie avec trois romancières : Esmahan Aykol (Meurtre à l'hôtel du Bosphore), Mine Kirikkanat (La Malédiction de Constantin), Mehmet Murat Somer (On a tué Bisou !), sans oublier Celil Oker, créateur d'un détective privé turc dont les six enquêtes restent inédites en France. Signe des temps, en avril 2008, la Série noire a publié Les Fantômes de Breslau, du Polonais Marek Krajewski.

    • Amérique du Sud

    En Amérique latine aussi, le roman noir se porte bien, au Mexique notamment avec Paco Ignacio Taibo II (À quatre mains), Juan Hernández Luna (Naufrage), Sergio González Rodríguez (Des os dans le désert), Eduardo Monteverde (Alvaro dans ses brumes), Joaquín Guerrero-Casasola, lauréat du prix 2007 de L'H Confidencial (bibliothèque policière de Barcelone) avec Ley Garrote, histoire d'un privé mexicain à la recherche d'une fille de bonne famille kidnappée. N'oublions pas Guillermo Arriaga, scénariste de plusieurs films remarquables (Amours chiennes ; 21 grammes ; Trois Enterrements) et auteur entre autres de L'Escadron guillotine (1994) et Le Bison de la nuit (2000).

    Le roman noir a également suscité des œuvres passionnantes à Cuba avec Daniel Chavarria (Un thé en Amazonie), Justo Vasco (1943-2006 ; L'Œil aux aguets), Lorenzo Lunar (La Boue et la mort), Amir Valle (Jineteras), José Latour (Nos Amis de La Havane) et surtout Leonardo Padura Fuentes (Les Brumes du passé), au Brésil avec Rubem Fonseca (Du grand art), Aguinaldo Silva (L'Homme qui acheta Rio) et Patricia Melo (O Matador), au Chili avec Luis Sepúlveda (Un nom de torero), Ramon Díaz Eterovic (La mort se lève tôt) et Roberto Ampuero (Le Rêveur de l'Atacama), en Colombie avec Santiago Gamboa (Les Captifs du lys blanc) et plus encore en Argentine où, après Osvaldo Soriano (Je ne vous dis pas adieu), sont apparus Rolo Diez (Le Pas du tigre), Enrique Medina (Les Chiens de la nuit), Juan Sasturain (Manuel des perdants), Sergio Sinay (Le Tango du mal aimé), Mempo Giardinelli (Les morts sont seuls), Juan Jose Saer (L'Enquête). Outre sa diversité, la caractéristique de cette mouvance est d'avoir renouvelé le genre en lui faisant subir un traitement original dans chaque pays. Pour faire toucher du doigt les réalités sociales sud-américaines, tous ces merveilleux conteurs usent de la critique avec humour et dérision. Chacun a son style et pratique des constructions savantes. Certains se livrent au métissage et empruntent à d'autres types de récits (aventure, espionnage, politique-fiction, etc.). Bref, partout imagination et fantaisie règnent en maître. Ce courant n'a pas fini de surprendre le lecteur.

    Source : Logiciel Encyclopédia Universalis 2012


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  • Arthur Upfield, fasciné par le bush australien et la culture aborigène, a inventé l'inspecteur métis Napoléon Bonaparte (La Branche coupée) et suscité un émule, l'Américain Tony Hillerman, qui nous fait découvrir dans ses romans la civilisation des Indiens Navajo (Le Voleur de temps).

    Le roman policier historique est sans doute né avec Robert Van Gulik, créateur au début des années 1960 d'une série consacrée au juge Ti, un magistrat qui vivait en Chine vers 650. L'Anglaise Ellis Peters a pris le relais avec Cadfael, un moine bénédictin, enquêteur en 1140. Depuis lors, le genre a fait florès. Anton Gill met en scène un scribe égyptien à l'époque de Toutankhamon, Candace Robb un archer du XIIIesiècle, Peter Lovesey fait renaître Édouard VII, etc. Quelques Françaises explorent le passé avec talent. Anne de Leseleuc raconte l'apogée de Rome avec son avocat gaulois Marcus Aper, Viviane Moore, le Moyen Âge par l'entremise de son chevalier breton Galeran de Lesneven, et Elena Arseneva, d'origine russe, l'époque du règne du prince Vladimir avec Artem, un boyard enquêteur à Kiev.

    Le roman historique s'est développé avec plus ou moins de bonheur dans toute l'Europe, notamment au Royaume-Uni où un spécialiste comme Paul C. Doherty, créateur d'une série avec Hugh Corbett, espion d'Édouard II, utilise au moins cinq pseudonymes (Anna Apostolou, Ann Dukthas, Michael Clynes, C. L. Grace, Paul Harding), avec lesquels il crée autant de séries situées à des époques différentes. Citons encore Ian Morson, Kate Sedley, Margaret Frazer, Stephanie Barron, Bernard Bastable et surtout Edward Marston et la prolifique Anne Perry.

    En Russie, Boris Akounine crée une série consacrée à un policier moscovite du XIXesiècle, Eraste Petrovitch Fandorine. On notera que le nom de cet enquêteur renvoie à celui du journaliste Fandor, personnage essentiel du cycle Fantômas. Le thriller historique a ses adeptes et plusieurs romanciers de qualité ont donné au genre ses lettres de noblesse. Citons l'Allemand Gisbert Haefs, poète, musicien, traducteur des chansons de Brassens dans son pays, qui met en scène Hannibal dans plusieurs ouvrages malheureusement inédits en France ; l'historien italien Valerio Massimo Manfredi, lui, s'intéresse à l'empire romain (La Dernière Légion), consacre une trilogie à Alexandre le Grand puis revient à notre siècle avec un thriller où le personnage de William Blake, archéologue comme lui, met au jour le sarcophage de Moïse alors qu'un nouveau conflit israélo-arabe vient d'éclater (Le Pharaon oublié). Sa consœur Danila Comastri Montanari (Cave Canem) explore l'Antiquité avec son sénateur romain Publius Aurélius Statius (treize enquêtes de 1993 à 2007), tandis que Giulio Leoni envoie Dante enquêter sur un maître mosaïste retrouvé mort dans une église. Umberto Eco met en scène le conflit opposant des moines franciscains à l'autorité papale dans une intrigue où un mystérieux manuscrit est l'objet de toutes les convoitises (Le Nom de la rose, 1980), tandis que Valerio Evangelisti signe une série consacrée à l'inquisiteur Nicolas Eymerich, inspiré par le célèbre Torquemada, avant de raconter la saga de Nostradamus (Le Roman de Nostradamus).

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    L'Espagnol Ignacio Garcia Valino explore la Grèce antique des premiers philosophes (Les Deux Morts de Socrate) et Alfonso Mateo-Sagasta, deux fois récipiendaire du prix Espartaco, lance son héros, Isidoro Montemeyer, dans une enquête littéraire pour découvrir l'identité véritable du romancier qui publia une seconde partie du Don Quichotte, mettant en péril la suite que devait livrer Cervantès. Partout, l'originalité stylistique et la recherche d'un sujet inédit sont à l'ordre du jour.

    Source : Logiciel Encyclopédia Universalis 2012


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  • Marqué à ses débuts par la detective fiction chère à l'école anglaise classique, le genre a évolué. La succession d'Agatha Christie, de Patricia Wenthworth et de Dorothy Sayers a été assurée par Phyllis Dorothy James (Péché originel, 1994). Son héros, Adam Dalgliesh, est un classique inspecteur de Scotland Yard, de surcroît poète. Sa modernité tient à la densité des personnages et au réalisme avec lequel elle met en scène la vie et ses passions destructrices. Ruth Rendell obéit elle aussi à des procèdures policières classiques (sa série consacrée à l'inspecteur Reginald Wexford), mais elle reste imbattable dans le suspense psychologique (L'Analphabète, 1977), à l'instar d'une Patricia Highsmith aux États-Unis. Ces deux championnes du best-seller ne sont pas seules à explorer les atmosphères vénéneuses de la campagne ou de la ville. L'école britannique est riche de Margaret Yorke, Frances Fyfield, Liza Cody, Sarah Dunant, June Thompson... Val McDermid (Arrêts de jeu) se démarque de ses consœurs avec son héroïne Kate Brannigan, détective privée à Manchester, et vire franchement au roman noir avec La Dernière Tentation (2002) et Quatre Garçons dans la nuit (2003), tout comme Lynda la Plante (Coup de froid, Martina Cole (Une femme dangereuse) et Minette Walters, qui utilise les ingrédients du roman d'énigme pour mieux le pervertir, en étudiant les relations des familles dépositaires de terribles secrets.

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    Dans Intime pulsion (2001), elle analyse avec finesse le déclenchement d'une émeute dans un quartier déshérité où une coupable indiscrétion a révélé l'adresse d'un pédophile récemment libéré de prison. Parmi les révélations féminines, Mo Hayder se fait remarquer dès son premier roman, Birdman (1999), dans lequel l'inspecteur Jack Caffery est confronté à un tueur en série qui enferme un oiseau vivant dans la cage thoracique de ses victimes.

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    Son troisième opus, Tokyo (2004), tourne autour des massacres commis en 1937 par les Japonais dans la ville chinoise de Nankin.

    Les romanciers britanniques sont plusieurs à avoir créé des séries de roman de procédure policière (police procedural) : Colin Dexter (l'inspecteur Morse), Reginald Hill (le superintendant Dalziel) et l'un des plus passionnants, John Harvey (l'inspecteur Resnick), qui a choisi comme cadre Nottingham, une ville en plein désarroi car elle serait le reflet de la situation de crise et de violence qui sévit dans le pays. Michael Dibdin (1947-2007) préfère des intrigues subtiles que résout en Italie son policier favori Aurelio Zen.

    En Écosse, Ian Rankin fait évoluer son inspecteur Rebus dans la ville d'Edimbourg, tandis que Jack Laidlaw, créé par William McIlvaney, arpente les rues de Glasgow. Parmi les romanciers écossais, le jeune Philip Kerr fait ses gammes avec une trilogie berlinoise qui se déroule de l'avènement du nazisme à l'après-guerre. Suit une enquête menée à Saint-Pétersbourg sur un trafic d'éléments radioactifs (Chambres froides, 1994) et trois récits de science-fiction policière : Une enquête philosophique (1993), où officie un tueur de tueurs en série ; La Tour d'Abraham (1995), où un ordinateur géant, destiné à régir la vie des gens en permanence, se dédouble et agresse les humains ; Le Sang des hommes (1998) imagine qu'en 2060 on peut déposer son sang à la banque s'il n'est pas contaminé.

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    Il remplace l'étalon-or. Avec Les Chiffres de l'alchimiste (2002), Kerr revient au roman historique et met en scène Isaac Newton. L'école écossaise compte aussi Christopher Brookmyre qui débute avec Un matin de chien (1996), un roman noir dans lequel le journaliste Jack Parlabane se livre à une implacable autopsie de la réforme du système de santé imposée par le parti conservateur. Les politiciens sont aussi la cible de Iain Banks dans Un homme de glace (1993), tandis que John McLaren, dans Taxis noirs (1999), met en scène yuppies et dirigeants arrogants et machistes qui, pour accroître leur pouvoir et leurs revenus financiers, ne respectent aucune règle morale.

    En Irlande, Colin Bateman (Divorce, Jack !) confronte le journaliste Starkey à des membres de l'I.R.A. qui ont sombré dans le banditisme. On retrouve par la suite Starkey dans les milieux de la boxe new-yorkaise (L'Autruche de Manhattan). Daniel Easterman a choisi le thriller pour dénoncer les divers terrorismes qui ensanglantent le Moyen-Orient (Le Jugement final) et menacent la paix du monde (Le Septième Sanctuaire). Actrice (à ses débuts, elle incarna Vicky, l'héroïne de la série « Doctor Who », 1964-1965), dramaturge, Maureen O'Brien crée une série avec l'inspecteur John Bright, petit homme chafouin qui, lors de sa première apparition (Les fleurs sont faciles à tuer, 1987), enquête sur l'assassinat d'une star de la télévision. Déjà remarqué pour son roman Le Trépasseur, Eoin McNamee raconte les coulisses de l'accident qui, le 31 août 1997, coûta la vie à la princesse Diana (00 :23, pont de l'Alma, 2007). Toutefois, la révélation irlandaise reste Ken Bruen, dont le passé et les épreuves qu'il a subies pourraient faire l'objet d'un douloureux roman. Son œuvre forte d'une quinzaine d'ouvrages comprend deux séries : la première est consacrée à « R&B » (Roberts et Brant), tous deux policiers dans un quartier difficile de Londres ; la seconde se déroule en majeure partie à Galway, ville natale de l'auteur, et met en scène Jack Taylor, un ancien flic devenu privé, personnage complexe, habité par un fort sentiment d'autodestruction. Dernier à se manifester, le journaliste Gene Kerrigan, dans À la petite semaine (2005), donne une image inattendue de l'Irlande d'aujourd'hui.

    Moins doté que l'Écosse, le pays de Galles compte cependant deux romanciers talentueux. Le plus ancien, Bill James signe une série consacrée à un groupe de policiers tiraillés entre leur vie privée et les exigences de leur métier. Avec le recueil Cinq Pubs, deux bars et une boîte de nuit (1997), John Williams entame une trilogie noire consacrée à Cardiff, sa ville natale.

    En Angleterre aussi, le roman noir fait sa percée. Avec Ted Lewis (1940-1982) d'abord, un habitué de Soho et des bas-fonds dont les romans fournissent un panorama réaliste de la pègre londonienne des années 1960 (Jack Carter, 1990). Robin Cook (1931-1994), qui a mené une vie d'aventurier avant de se fixer dans un village de l'Aveyron, prend le relais. Sa série, avec son enquêteur anonyme, d'une noirceur peu commune, est une réussite exemplaire dans l'exploration de la conscience des psychopathes (J'étais Dora Suarez, 1990).

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    Son premier opus, Crème anglaise (1962), mettait en scène des « mimiles » de la haute société fraternisant avec la pègre de la capitale. Cette description du milieu londonien est vivace chez Anthony Frewin (London Blues, 1997), l'ancien assistant de Stanley Kubrick et plus encore dans la remarquable trilogie de Jake Arnott publiée de 1999 à 2003. Depuis la disparition de Lewis et de Cook, d'autres talents se sont manifestés : Nicholas Blincoe (Acid Queen), Simon Kernick (Mort mode d'emploi), Mark Billingham (Dernier Battement de cil), Denise Mina (Le Champ du sang), Jonathan Triggell (Jeux d'enfants), Charlie Williams (Les Allongés), Colin Cotterill (Le Déjeuner du coroner). Là encore, révélation de deux auteurs majeurs : le premier, Graham Hurley (Les Anges brisés de Somerstown, 2002), créateur de l'inspecteur Joe Faraday de la police de Portsmouth dont les enquêtes captivantes sont pleines d'humanité. Le second, David Peace, qui vit et enseigne au Japon. Il est l'auteur de la tétralogie « Red Riding Quartet », un grand cycle consacré à son Yorshire natal dont les quatre volumes ont pour titres : 1974, 1977, 1980, 1983. En nourrissant son récit de faits-divers réels, le romancier dresse un portrait décapant de l'Angleterre sur une décennie, avec une référence à la série de crimes commis par l'éventreur du Yorkshire, affaire qui bouleversa son enfance.

    Source : Logiciel Encyclopédia Universalis 2012


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  • La vague du récit hard-boiled domine encore durant les années 1950 avec une foule d'histoires de détective privé. Mais après guerre, face à la progression importante de la délinquance et de la criminalité, la police apparaît pour la majorité des citoyens comme la seule protection efficace dans la jungle urbaine. Cet état d'esprit favorise la naissance du police procedural (procédure policière), récit qui décrit de façon minutieuse et réaliste le travail quotidien d'une équipe d'enquêteurs professionnels. Parmi les spécialistes de ce genre, on trouve Lawrence Treat (V comme victime, 1947), Hillary Waugh (On recherche, 1952), William McGivern (Coup de torchon, 1953), et surtout Ed McBain (Du balai, 1956) qui publiera plus d'une cinquantaine de récits avec ses inspecteurs du 87, un commissariat new-yorkais. À partir de 1970, le détective privé refait surface. Comme dans les années 1920-1930, certains romanciers vont l'utiliser pour ausculter une société en proie au doute, traumatisée par le drame vietnamien et le gangstérisme politique. Parmi les plus convaincants : Bill Pronzini (The Nameless), Roger Simon (Moses Wine), Arthur Lyons (Jacob Asch), Michael Collins (Dan Fortune), Lawrence Block (Matt Scudder), Robert Parker (Spenser), Loren Estleman (Amos Walker), et surtout James Crumley (Milodragovitch). Les policiers dépeints par Joseph Wambaugh (Patrouilles de nuit) préfigurent ceux que James Ellroy mettra en scène quinze ans plus tard. Vers la même époque, Mary Higgins Clark renouvelle le suspense psychologique (La Nuit du renard), suivie de quelques femmes de talent : Judith Kelman, Patricia MacDonald, Darian North, Jeannine Kadow...

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    Les années 1980-1990 sont marquées par l'émergence de romans d'une extrême violence. Thomas Harris (Le Silence des agneaux, 1988), John Sandford (La Proie de l'ombre, 1990), Patricia Cornwell (Une mort sans nom, 1995) s'illustrent notamment sur le thème du tueur en série, qui devient un personnage récurrent de la fiction policière. Mais la révélation reste James Ellroy qui, après quelques ouvrages atypiques, laisse éclater son originalité stylistique et compose des reconstitutions historiques au souffle puissant, comme sa tétralogie sur le Los Angeles des années 1950 (Le Dahlia noir, 1987) ou sa démythification des États-Unis des années 1958 à 1972 dans une trilogie historique où la politique est intimement liée au monde du crime. Le premier volume abonde en révélations surprenantes sur le clan Kennedy (American Tabloid, 1955), tandis que le second (American Death Trip, 2001), qui débute par l'assassinat du président, se poursuit au Vietnam où les boys s'enlisent dans une guerre inutile. Mais ce romancier d'exception ne doit pas cacher une foule de nouveaux venus qui se distinguent aussi par leur écriture et les thèmes qui les inspirent. Nick Tosches met en scène la lutte apocalyptique entre les triades asiatiques et la mafia (Trinités, 1994), Elmore Leonard use de l'humour pour explorer le crime en Floride (Punch Creole). Carl Hiassen dénonce la destruction des côtes par les promoteurs (Miami Park). Il invente le polar écologique, et Barry Gifford le « road novel » (Sailor et Lula), tandis que James Lee Burke traque le mal dans les bayous de Louisiane (Prisonniers du ciel).

    Au cours des deux dernières décennies, d'autres romanciers à l'univers singulier, souvent empreint d'humour et de dérision, se sont révélés à un lectorat français toujours plus important au fil des années. Parmi les plus talentueux, citons Michael Connelly, Harry Crews, Kent Harrington, Daniel Woodrell, Robert Crais, George Pelecanos, Dennis Lehane, James Grady.

    Chez les vétérans figurait Robert Ludlum, conteur hors pair et spécialiste du thriller apocalyptique. Sa disparition en 2001 n'a pas ralenti sa production. Depuis six ans, ses éditeurs proposent chaque année un nouvel ouvrage signé de lui et achevé par un autre auteur. Le thriller se décline en diverses catégories qui constituent autant de sous-genres : techno-thriller (Tom Clancy), médical (Robin Cook, Michael Palmer), judiciaire (John Grisham, John Lescroart, Philip Margolin, Lisa Scotteline, Scott Turow...), financier (Stephen Frey, Gini Hartzman). Restent pas mal d'inclassables, comme Jerome Charyn et son commissaire juif new-yorkais atteint du ver solitaire (Marilyn la dingue, 1976), Donald Goines, ancien dealer qui écrivit en prison d'âpres récits sur les drogués, Marc Behm qui met en scène une envoyée du diable en quête d'âmes perdues (Crabe), et Donald Westlake, dont la loufoquerie dissimule une vision pessimiste des États-Unis. Chaque année voit ainsi naître de nouveaux talents qui traduisent la vigueur d'un genre qui peut aussi englober le récit de terreur, avec Dean Koontz (Les Larmes du dragon) et surtout Stephen King, best-seller absolu (Jessie).

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    Mais le phénomène le plus sensible reste l'émergence d'une nouvelle vague de romancières qui ont investi le roman noir. Dorothy Uhnak, la première, avait tracé la voie dès 1968 avec sa policière Christie Opara (La Main à l'appât). Une dizaine d'années plus tard, cette exception devient la règle. Sue Grafton publie une série avec Kinsey Millhone, une privée de choc (A comme alibi), tout comme Karen Kijewsky (Quitter Kat), Linda Barnes (Coyotte), Sara Paretsky et bien d'autres. Nevada Barr raconte la vie quotidienne d'Anna Pigeon, comme elle femme ranger, et Sandra Scoppettone se fait le chantre de l'homosexualité féminine (Je te quitterai toujours). De manière plus classique, mais tout aussi insidieuse, Martha Grimes (Le Mystère de Tarn House) et Elizabeth George (Un goût de cendres) choisissent le cadre de l'Angleterre contemporaine pour tisser de sombres drames.

    Source : Logiciel Encyclopédia Universalis 2012


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